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Quelle étrange impression de mystère se dégageait de ces deux femmes.! Une atmosphère de drame les entourait encore. Je les avais remarquées au cours d'une cure à Néris où le médecin m'avait envoyé pour soigner une fatigue nerveuse provenant d'un surmenage intensif.

Les profanes qui, lorsqu'on prononce devant eux le nom d'une ville d'eau, imaginent aussitôt des fêtes, le luxe, du tapage, serait bien déçu par Néris. Si l'on consent pendant trois semaines à se soumettre au régime débilitant des eaux dans cette petite localité perdue, ce n'est certainement pas pour s'amuser.

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Mme Landresse.

ET pour elle même elle soupirait

-"Vingt ans, que c'est loin!

George Marion fixa ses yeux dans ceux de Mlle Landresse:

"C'était hier! Lança-t-il avec une conviction caressante.

Hier? répéta-t-elle. Il faut croire que le nuit a été longue.

 

 

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Georges Marion! Ho! Elle l'a bien reconnu tout de suite. Vingt ans ne s'appesantissent pas en vain sur les épaules d'un homme. Pourtant, c'est la même distinction, la même prestance décidée. Le même chic!...qui avaient fait instantanément fléchir une vertu jusqu'à présent rebelle.

Quelle insignifiante petite chose elle était alors! C'était peu de temps après son mariage...un mariage sans enthousiasme...

Ainsi que toutes ses compagnes, Germaine avait nourri des illusions. Elle s'était amourachée d'un doux jeune homme dont toute la fortune se réduisait à ses espérances.

Folie, n'est-ce pas? Ses parents, gens pondérés, n'avaient pas été longs à lui faire entendre raison..On n'épouse pas un garçon sans argent...La pauvrette, le coeur brisé, s'était alors résignée à tout ce qu'on avait exigé d'elle.

Victime prête à tous les sacrifices, elle fut conduite à l'autel.

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Georges! Mon amour! Ma vie ,mon tout, te quitter! Non, jamais. J'abandonnerai mon mari, nous fuirons, nous vivrons toujours ensemble. Je demeurerai constamment à tes coté.

Elle sanglote, elle crie, Georges la console, la berce de paroles tendres, la traite en enfant gâtée. Le désir renaît dans leurs larmes, les pleurs s'achèvent en soupire de volupté. Et ce soir la dans cette hôtel de la croix, en attendant ses deux filles, elle se souvient.

On dirait qu'on lui pince le coeur et que son sang s'arrête de battre dans ces artères.

Le lendemain de ce matin fatal où la dépêche est arrivé, elle est devenue à hôtel Reitz. Seule...Seule... L'atroce chose! Georges resté au Monté doit revenir quand le mari sera là. On opérera les présentations. Ce n'est pas Paulin qui flairera une manigance louche.

Mon dieu! Comment ne meurt - t - on pas sur le coup d'une douleur trop violente et trop inattendue?

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C'est cet homme , cet amant à qui elle donnerait tout sacrifice et dont elle n'a jamais entendu parler pendant vingt ans, que le fatalité a bizarrement placé cette après midi sur son chemin...Georges Marion. Cet individu à qui les plus petites fibres de son corps avaient été dédiées, ce garçon pour lequel elle a des nuits entières sangloté est maintenant là.. Il respire a quelques centimètre d'elle...

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Georges Marion.

Des souvenirs il en avait certes, mais à la façon du voyageur qui se rappelle les gares où il est passé

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Mais lorsque, après avoir quitter Madère, elle s'était sentie dégrisée, elle avait ressenti une honte analogues à celle que dut éprouver notre aïeul Eve en fuyant, sous le menace de l'épée flamboyante, le jardin d'Eden où elle avait succombé aux tentations du serpent!

Trahir le confiance qu'un être généreux a mis en vous, n'est-ce pas le pire péché? Elle s'était bien juré, cette folie terminée, d'agir de telle sorte que sa vie fut désormais aussi limpide qu'un bloc de cristal!

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En passant devant la petite chapelle des missionnaire, qui s'élève quelque mètre devant le grand hôtel, elle se signa. Il lui sembla ainsi quelle se plaçait sous sa protection divine et que après cette visite, peut être imprudente, à laquelle elle se rendait, il ne pouvait rien lui arrivait de fâcheux.

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Ma vie s'écoule sans heurts entre un mari que je vénère et mes deux filles que j'adore. J'ai atteint une sorte de bonheur très doux.

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Quand on manifeste a vingt ans un tel goût pour la volupté, on ne renonce certainement pas à celle-ci à quarante.

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Elle est encore bigrement existante! Grogna - t - il. Une femme comme elle est née pour l'amour...Je voudrais bien vérifier si elle a fait des progrès depuis vingt ans!

 

 

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Car, n'est ce pas, ce qu'elle cherche avant tout, c'est la paix, c'est l'assurance que son foyer ne sera pas troublé...

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Admirable logique féminine, qui pare la pécheresse d'une auréole d'épouse incorruptible!

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Il manque à Germaine un don inappréciable, le spontanéité. On ne fait pas l'amour de sang froid.

Elle est tout étonnée de l'aventure qui lui arrive, le passé de vingt ans d'honnêteté la retient sur le bord du fleuve feu.

Elle se sent aussi gêné que le serai un rustre dans un salon parisien. Elle a perdu l'habitude de la volupté. Elle est dépaysée

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Elle n'a même pas le besoin d'être dégrisée, n'ayant pas un instant connu l'ivresse.

Le monstre accroupi au tréfonds de chaque femme, et qui, à la moindre provocation, menace de s'éveiller, continu son paisible sommeil

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Une femme, quelque affection qu'elle témoigne à sa fille, ne pourra jamais s'empêcher d'éprouver une certaine jalousie si elle sent qu'un homme la lui préfère. Une inconsciente rivalité oppose toujours l'une à l'autre, une mère et son enfant.

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Que je prenne un maîtresse quelconque se disait il, Germaine n'en aura cure, mais que cette maîtresse soit justement son enfant, alors elle serra touchée.

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Comme lui, elle était susceptible et comme lui rancunier, Autant de raison qui l'attiraient vers elle, car c'est surtout dans les romans que l'on voit le coup de foudre jaillir au contact de tempérament absolument contraire

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Lucienne comme toute jeune fille se montrait excessivement flattée être courtisée par un homme sensiblement plus âgé qu'elle et jouissant joie suprême, de la réputation d'un mauvais sujet.

Chacun sait que, pour une jeune fille honnête, un coureur de fille, un trousser de cotillons est irrésistible.

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Lucienne était d'ailleurs à l’âge où la chaire manifeste son existence, Georges Marion brûlait d'éduquer la fille comme autrefois la mère.

En attendant de donner la leçon qui se clôt par une apothéose. Il gouttait un plaisir perverse à maintenir son élève en haleine et à lui donner du fruit de l'arbre de science, une curiosité telle quelle fût amenée à réclamer d'elle même la pomme symbolique...chère a toute les filles d' Eve.

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-Ma petite Lucienne disait la mère, rien ne me réjouit davantage que de te voir ta bonne mine. Je crois que les vacances vont te faire un grand bien.

-Certainement, mère. Je suis si heureuse...

-Bien sûr ma pauvre chérie. Tu as besoin de grand air. Je comprends que tu préfères le calme d'ici à l'agitation de Paris..

-Ce n'est pas cela mère...Ecoute, il faut que je te l'avoue : on m'aime...

La mère regarda sa fille avec stupéfaction. Elle n'attendait point un tel aveu.

-On.. t'aime? reprit-elle? Et qui donc t'aime?

Lucienne prie son air le plus ingénu pour chuchoter:

-Le monsieur que tu connais, maman; Georges Marion.

Mme Landresse, très émue, sursauta :

-Ah ça! Tu es folle ? Mais M. Marion est âgé. Tu n'as pas réfléchi . Voyons, voyons et toi, tu l'aimes?

La jeune fille fixa ses yeux innocents dans ceux de sa mère:

-Oh! Oui, maman!

Mme Landresse était assise dans un fauteuil près de la fenêtre. Elle porta sa main à sa tête d'un air bouleversé. Tout le sang reflua à son coeur; elle devint pâle tout un coup comme un cadavre et ferma les yeux, comme si elle était prise d'un étourdissement.

-Mon Dieu, mon Dieu! Ce n'est pas possible...murmura-t-elle.

Lucienne, légèrement inquiète, savourait son triomphe. Elle n'imaginait pas que sa confession produirait tant d'effet

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Germaine Landresse haletait, comme si elle eût senti sur sa poitrine un poids de plusieurs kilos qui l’écrasait. Ses yeux chargés de feu étaient fixés sue ceux de l'homme qui s'efforçait de goguenarder. Elle lutter contre elle même pour parler. Elle était blême, le sang avait reflué tout entier sur son coeur, quand elle balbutia:

-Il ne faut pas que Lucienne devienne votre maîtresse parce que...parce que elle est votre fille...

PX

La tactique de cette amoureuse vieillissante était claire : Elle voulait tout simplement garder Georges pour elle sans se souciait une seconde du sentiment de sa fille

PY

La jeune fille respira d'un mouvement qui gonfla voluptueusement sa poitrine. Elle sentait qu'elle représentait la jeunesse. Admirable qualité contre laquelle rien ne peut résister

Elle regarda Georges Marion et elle fut aussitôt assurée de son triomphe.